FIGAROVOX/ENTRETIEN - Décrochage scolaire, syndromes anxiodépressifs, tentatives de suicide... quatre ans après le début du premier confinement, les conséquences psychologiques sont lourdes pour nombre de jeunes, analyse la psychologue Marie-Estelle Dupont.
Marie-Estelle Dupont est psychologue clinicienne, spécialisée en psychopathologie et neuropsychologie, ainsi qu'en psychologie transgénérationnelle. Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Être parents en temps de crise (Les éditions Trédaniel, 2023).
LE FIGARO. - En tant que psychologue, vous avez pu constater les dégâts collatéraux liés à la gestion de la crise sur la santé mentale des étudiants et des enfants. Quels sont ces dégâts ?
Marie-Estelle DUPONT. - La santé mentale des mineurs se dégradait déjà depuis plusieurs années lorsque le Covid est survenu. Claire Hédon, défenseure des droits depuis 2020 et qui quittera son mandat en 2026, l'a rappelé dans un rapport qui décrit précisément l'aggravation des difficultés psychologiques et cognitives chez les jeunes, et la paupérisation de l'offre, notamment en crèche et en pédopsychiatrie. Le Covid nous fit toucher le paroxysme d'une lecture chiffrée et statistique de la santé : la gestion bureaucratique très uniformisée de la pandémie, avec les confinements, les couvre-feux, les fermetures de classe, les changements constants de protocoles d'accueil, le masque à l'âge où l'on apprend à parler et lire, l'inégalité des situations familiales et des ressources des parents pour s'adapter à tout cela dans l'urgence ont contribué à aggraver les maltraitances intra-familiales, le décrochage scolaire, les syndromes anxio-dépressifs, les tentatives de suicide, les troubles du comportement alimentaire, les addictions, l'isolement et le repli sur soi, les phobies scolaires... Je rappelais d’ailleurs dans vos colonnes que 52% des jeunes avaient envisagé d'arrêter leur cursus pendant l'hiver 2021 et que Necker enregistrait 600% d'augmentation des admissions en pédopsychiatrie.
Les chiffres de Santé publique France sur les passages aux urgences pour actes ou idéations suicidaires ont considérablement augmenté. les jeunes femmes sont particulièrement touchées. En réalité, ce que j'ai constaté avec nombre de cliniciens dès 2020 a été relayé ensuite par la société française de pédiatrie, le JAMA network qui montrait 299% d'augmentation des intentions suicidaires chez les moins de 15 ans, et de nombreuses sources qui confirment l'augmentation majeure de la prise de psychotropes chez les mineurs avec bien souvent des poly-prescriptions comprenant anxiolytiques, anti-dépresseurs, méthylphénidate pour l'attention, et somnifères. Ce n'est pas la difficulté qui rend les jeunes malades, l'être humain est outillé pour affronter des problèmes et des tragédies. C'est la perte de sens, le sentiment d'être inutile ou de trop, les injonctions paradoxales consistant à demander aux mineurs, pour être de bons citoyens, de faire tout l'inverse de ce qu'ils ont besoin de faire pour devenir des adultes équilibrés : étudier, interroger leurs profs, sortir, faire du sport, avoir des interactions avec leurs pairs hors du cercle familial, ne pas rester derrière un écran douze heures par jour, etc.
Les pouvoirs publics n'ont jamais remis en question leur vision algorithmique de la santé. Ils ont fini par ne plus pouvoir nier l'ampleur des dégâts et ont, coûte que coûte, proposé des séances remboursées.
Marie-Estelle Dupont
La difficulté à se projeter, la diminution des compétences sociales et les troubles de l'humeur sont très présents dans cette tranche d'âge dont plus personne dans la communauté scientifique ne nie qu'elle est celle qui va le plus mal actuellement. Non pas au sens du mal-être adolescent «normal», mais avec une vraie difficulté à se projeter, à construire une image de soi et du monde saine, et un recours fréquent et précoce à toutes sortes de passages à l'acte violent sur soi ou sur autrui.
Les pouvoirs publics ont-ils tiré les enseignements de leur gestion de la crise ? Ce problème de santé mentale, notamment des jeunes, est-il suffisamment pris au sérieux ?
Les pouvoirs publics n'ont jamais remis en question leur vision algorithmique de la santé. Ils ont fini par ne plus pouvoir nier l'ampleur des dégâts et ont, coûte que coûte, proposé des séances remboursées. Lesquelles, en trente minutes, ne permettront aucune rencontre, tout au plus d'apposer un acronyme de TCA, TOP, TDAH, ou autre TOC avec une feuille de route proposant rééducation et molécules… Une fois de plus on se demande comment rafistoler à la hâte, en ayant l'air de faire quelque chose sans jamais faire le pas de côté, sur ce que l'on propose véritablement à cette génération, sur la façon dont nous sommes - ou pas - des exemples. Exemples qui inspirent et transmettent, qui les autorisent à penser et prendre leur place, celle de ceux qui demain tiendront la société, travailleront et éduqueront. Je ne dis pas que ces diagnostics ne sont pas utiles. Je dis que l'on se raconte un peu trop qu'en collant à la hâte une étiquette et une ordonnance sur un mineur, on a fait le travail. Et c'est faux.
Quand j'ai commencé à tirer la sonnette d'alarme en 2020, certains me traitaient de complotiste. La réalité venait imploser dans nos cabinets, mais c'était difficile à faire admettre. Quand les statistiques sont venues confirmer l'observation clinique - on voit bien que le chiffre fait loi mais que l'expertise véritable de ceux qui sont tous les jours avec des patients n'a pas de poids -, les médias et les politiques ont admis sans plus l'étiqueter comme un constat d'extrême droite que les jeunes allaient mal.
Notre modèle de santé publique traite (et donc potentiellement maltraite) et ne soigne pas parce que la vision technocratique vide la santé de sa dimension humaine, et que nous sommes en train de passer du soin au traitement, au sens hygiéniste du terme. Les directeurs administratifs formés en écoles de commerce au rôle du «manager» ont pris la place des chefs de service qui connaissent le terrain, donc les besoins des patients et des soignants.
Toutes les politiques publiques depuis 30 ans, vont dans le sens d'une baisse de la qualité du service public, sans pour autant que le contribuable puisse utiliser son argent comme il l'entend puisque l'administration remplace le service.
Marie-Estelle Dupont
Chaque fois que l'État, depuis 30 ans, et particulièrement depuis la loi hôpital 2005, interfère dans une problématique de santé qu'il ne peut plus nier, il répond avec une vision technocratique qui aggrave le problème. Il ne fallait pas démanteler le système de soin. On se dirige vers une psychiatrie ChatGPT, avec un questionnaire d'auto-diagnostic, une ordonnance envoyée par mail et des exercices de rééducation à faire en ligne. Où est le soin ? L'État doit s'assurer que le service public dans son ensemble est à la hauteur des impôts versés. L'école comme l'hôpital. Toutes les politiques publiques depuis 30 ans, vont dans le sens d'une baisse de la qualité du service public, sans pour autant que le contribuable puisse utiliser son argent comme il l'entend puisque l'administration remplace le service. Si l'État remonte le niveau de l'école, remet le soin au cœur de l'hôpital en le délestant de sa bureaucratie obèse qui fait fuir les soignants ou les empêche purement et simplement de travailler, il fera son travail. Le rôle psychologique des politiques consiste à maintenir suffisamment de justice, de sécurité, de liberté et d'égalité dans la société pour que les jeunes ne se sentent pas condamnés avant même la fin de leurs études. Son rôle ne consiste pas à se mêler de consultation, de médecine, de cours d'empathie ou je ne sais quelle idée de manager de grande école ou de cabinet de conseil.
Le problème est que la vision même que les technocrates ont de la santé, tout comme l'anthropologie qui sous-tend aujourd'hui la psychiatrie, ne peuvent apporter la réponse appropriée au mal-être de la jeunesse. Si c'est de la «com» et un grand plan pour rembourser des séances de comportementalisme, de méthode Coué et une prescription accrue de psychotropes, il est préférable que les pouvoirs publics ne s'en mêlent pas. Selon moi, si les pouvoirs publics veulent œuvrer pour rétablir la santé mentale des jeunes, ils doivent remonter le niveau de l'école, donner des moyens humains et matériels à l'hôpital, former des psychiatres correctement et en nombre, s'assurer que l'ascenseur social fonctionne à nouveau, et permettre à la psychologie de rester un soin de l'être et non une psychiatrisation de tout affect, avec pour seule réponse une mise sous molécules visant à normaliser des conduites.
Le gouvernement n'a pas à se mêler de psychologie. Les politiques ne sont pas formés pour cela. Qu'ils nomment des experts dont c'est le métier pour réfléchir aux politiques à mener, aux programmes scolaires, à l'accueil de la petite enfance oui. Mais souvent les décisions sont prises sans écouter des experts indépendants. Je crois fermement que l'État a fort à faire sur le régalien et qu'il doit simplement laisser les gens dont c'est le métier faire leur travail correctement, librement, sans tâches administratives absurdes, et en étant suffisamment payés pour ne pas démissionner ou faire un burn-out, faute de reconnaissance et de sens. Que les politiques fassent de la politique. Les cliniciens feront de la clinique. Point. L'intrusion de l'État dans la santé a été source de désordre et de baisse de qualité des soins. Je me méfie beaucoup des grandes campagnes supposées libérer la parole sur la santé mentale. La clinique est par définition une chose confidentielle. L'étalage crée des effets d'identification malsains.
80% des troubles psychologiques chez les enfants sont liés à des situations de maltraitance ou de carence, que ce soit des abus sexuels, des parents défaillants ou du harcèlement.
Marie-Estelle Dupont
Or, l'anthropologie qui sous-tend actuellement les manuels de psychiatrie est une anthropologie morbide, où toute émotion est suspecte d'être pathologique : le deuil est désormais classé dans les pathologies ! Si l'État veut aider les jeunes, qu'il offre une autre formation aux médecins par exemple.
Au-delà de la crise sanitaire, on assiste à une montée des problèmes psychiatriques chez les plus jeunes ainsi qu'à une montée de l'ultraviolence, bien décrite par le pédopsychiatre Maurice Berger. Comment l'expliquez-vous ? Est-ce le symptôme d'une crise de civilisation, d'une perte de repères ?
La santé individuelle et collective sont intimement liées. L'anthropologie qui sous-tend notre modèle de société depuis 1945 réduit l'homme à ses besoins matériels. Sami Ali, grand penseur de la relation et de l'unité psychosomatique, philosophe, psychanalyste et peintre, avait bien saisi cela dès les années 1970. Quand l'exigence de faire, consommer, montrer, prend la place de l'impératif de penser, imaginer, créer, réunir, alors le symbolique, le lien à l'autre, la pensée laissent place à une compétition ultra-individualiste, anxiogène, désespérante, et surtout, terriblement uniformisante. Si l'idéal de réussite est le confort et la consommation comme récompenses d'une performance sans faille, quid des besoins affectifs, sociaux, spirituels de l'être, quid aussi de la vulnérabilité ? On passe progressivement d'une logique de liens à une logique de domination, l'autre devenant un agent interchangeable, selon l'objectif ou le désir du moment.
Le modèle américain a importé, peu à peu, avec lui le déni de la différence des générations, des sexes, de l'intime et du public, l'interchangeabilité des êtres et des situations. Or l'enfant est un embryon social, il est en construction, avec un cerveau immature jusqu'à 25 ans, ce qui signifie que l'école, les adultes lui doivent d'être dans une posture à la fois verticale et humble. Ce que Maria Montessori appelait «l'autorité de service». Aujourd'hui, on voit trop souvent des adultes qui «lâchent», qui démissionnent. L'enfant est confié dès la naissance à des inconnus. L'école se cache derrière des circulaires et des adultes supposés protéger deviennent parfois de simples «fonctionnaires qui fonctionnent» comme l'ont tragiquement rappelé les suicides d'adolescents harcelés qui ont défrayé la chronique il y a quelques mois.
Les symptômes psychologiques chez l'enfant ne sont pas réductibles à une causalité biologique ou génétique. On sait que 80% des troubles psychologiques chez les enfants sont liés à des situations de maltraitance ou de carence, que ce soit des abus sexuels, des parents défaillants ou du harcèlement. Le symptôme ne doit pas être étiqueté d'un acronyme puis corrigé par une molécule, mais perçu comme l'expression malheureuse qu'a l'enfant de dire l'écart entre son environnement et ses besoins. Combien de soi-disant TDAH peuvent échapper à la médication en réduisant les écrans, le sucre et en accordant plus de temps à son enfant dans le dialogue et la joie ! L'augmentation des troubles psychiatriques est à la fois due à un modèle de société pathogène et à une psychiatrisation systématique de l'affect, pourtant le collagène social par excellence : sans émotion, pas de survie !
Nous sommes tombés dans le paradoxe d'une société qui marie le pire du libéralisme - la violence de l'indifférenciation désubjectivante, toute histoire, toute tradition devant être remisée dans les souvenirs rances et inutiles du passé - et du socialisme.
Marie-Estelle Dupont
L'explosion des conduites agressives et des tentatives de suicide chez les adolescents est imputable à cette indifférenciation des générations qui fait que l'enfant en pleine période de latence, entre 6 et 11 ans, est aujourd'hui «surexcité», surstimulé, à un âge où son développement est propice aux apprentissages fondamentaux. L'école, l'espace public, le type de divertissements proposés ne respectent souvent pas ces stades de développement et ils arrivent dans l'adolescence avec un socle fragile.
Notre modèle de société néo-libérale, où l'économie, donc les modèles statistiques et les «conduites» sont supposés décrire l'agent économique a évacué la pensée comme la spécificité humaine, donc aussi ses ressources. Et nous sommes tombés dans le paradoxe d'une société qui marie le pire du libéralisme - la violence de l'indifférenciation désubjectivante, toute histoire, toute tradition devant être remisée dans les souvenirs rances et inutiles du passé - et du socialisme - l'intrusion de l'État dans la sphère privée la plus intime qui soit. Ce, avec les outils de la technologie qui permettent la mise en place d'une société de contrôle ultra-aboutie, nos téléphones nous surveillant à longueur de journée, sans même qu'il soit nécessaire de mettre des policiers dans la rue, et les notes ayant envahi l'espace numérique.
Les enfants, plus encore que les adultes, ont besoin de repères et d'autorité. Payons-nous un processus de déconstruction qui a commencé dès les années 70 ?
Bien sûr. Et même avant. Dès la fin de la seconde guerre mondiale avec l'américanisation de la société et encore avant, comme le disait Husserl, quand le positivisme scientifique a pris la place de la philosophie sur le vieux continent.
L'équilibre psychologique d'un enfant et d'un adolescent est indissociable de la qualité de son environnement humain et des rencontres qu'il fait avec des adultes qui sont concernés par ses besoins, conscients de leurs tâches, conscients de l'asymétrie de cette relation, respectueux de sa vulnérabilité, et suffisamment exemplaires dans leur posture et leur comportement pour avoir une autorité naturelle sur lui, sans autoritarisme de surface. On n'élève pas un enfant par la peur, mais par la confiance dans un équilibre permanent entre une tendresse inconditionnelle et respectueuse de sa personne, et une vigilance constante à lui enseigner les interdits, et à tenir bon sur le non pour qu'il comprenne que ses actes ont des conséquences et que s'il ne respecte pas ces interdits structurants et protecteurs, il est puni. Cela permet la confiance mutuelle entre un adulte qui croît dans le potentiel de l'enfant et d'un enfant qui ose s'appuyer sur un adulte inspirant et rassurant. C'est ça l'autorité. Et on voit bien comment collectivement, la figure d'autorité, la figure du chef politique, du père, ont été remplacés par le « il est interdit d'interdire » permettant aux adultes de jouir sans entrave, associés à des coups de force arbitraire coercitif qui sont simplement la loi du plus fort « c'est comme ça et on ne discute pas ».
La santé mentale des jeunes passe par le fait que les adultes restent chacun à leur place et leur consacrent du temps.
Marie-Estelle Dupont
L'homme contemporain a voulu jeter le surmoi aux oubliettes du passé, avec Dieu, avec la notion de limite, avec la figure de la paternité complémentaire de celle de la maternité, et non identique. Nous voilà bien embarrassés ! la liberté humaine n'est pas l'absence de contraintes, et un enfant qui ne rencontre ni cadres, ni limites, est un enfant abandonné à des pulsions et des impulsions qu'il n'est pas outillé pour maîtriser, élaborer, sublimer. C'est à l'adulte d'offrir le cadre réel, mais aussi symbolique, intellectuel, langagier, nécessaire à l'exercice du discernement et de la liberté. Il n'y a pas de liberté sans interdits structurants, cohérents, permettant aux jeunes de prendre progressivement confiance en eux, de tolérer un peu de frustration pour obtenir beaucoup de satisfaction par la suite. L'impératif narcissique du tout tout de suite est en réalité le déni de la condition humaine et précipite les jeunes dans un vertige dangereux. À force de ne pouvoir se réaliser progressivement, ils se déréalisent, et régressent vers des formes autodestructrices d'affirmation d'eux-mêmes. Parce qu'en laissant l'école s'effondrer, en faisant de la consommation l'horizon du bonheur, en disqualifiant l'image de la famille, on leur a aussi volé une espérance. Dans un monde où le gentilhomme est un looser, la compétition et le déni de l'altérité rendent les rapports incroyablement versatiles et violents. Quand on casse l'autorité, on remet en place la loi du plus fort. C'est exactement la maladie dont souffre actuellement notre démocratie.
Comment surmonter cette crise et restaurer l'équilibre psychique des enfants ? Quelles sont les politiques publiques qui doivent être mises en œuvre ou au contraire supprimées ?
La santé mentale des jeunes passe par le fait que les adultes restent chacun à leur place et leur consacrent du temps : les parents en tout premier lieu, les enseignants en instruisant (en ont-ils encore la possibilité au vu de leur formation, de leurs salaires et de l'idéologie qui gangrène le savoir ?) ; le psychiatre qui doit écouter pour entendre, élaborer, penser, rencontrer le patient plutôt que traiter, corriger, supprimer un symptôme, prendre soin de l'être et non normaliser un trouble désigné par un acronyme qui permet de faire l'économie de la dimension relationnelle et émotionnelle d'une prise en charge,. tout cela demande que ces acteurs soient respectés, reconnus, valorisés. Et c'est tout.
L'école doit instruire et protéger. Il faut former à nouveau les enseignants aux méthodes traditionnelles, Singapour en maths, syllabique en lecture, car tous les pays de l'OCDE qui sont influencés par la déconstruction wokiste ont vu leurs résultats s'effondrer au classement pisa alors que les lycées français à l'étranger qui conservent les méthodes traditionnelles avec une figure de l'enseignant respectée et respectueuses des élèves maintiennent de bons résultats. Quand l'idéologie, quelle qu'elle soit, woke ou islamiste, pollue la connaissance, entrave le goût d'apprendre, sidère la pensée par des contenus inappropriés, casse les repères biologiques ou historiques fondamentaux, elle abîme le futur adulte et le met hors d'état de réfléchir.
Nous ferons des économies considérables si nous nous contentons d'offrir aux plus jeunes des conditions d'accueil, d'instruction et de soin congruentes avec leurs stades de développement et leurs besoins.
Marie-Estelle Dupont
La culture, l'instruction sont les meilleures immunités contre la violence et la dépression. Les parents doivent remettre la lecture et la culture générale dans les loisirs à la maison, du sport, un contrôle strict des écrans, qui ne doivent pas être présents la nuit dans les chambres. Lisez-leur les fables de la fontaine illustrées à trois ans, des contes, des histoires de héros, cela va peupler leur imaginaire de figures identificatoires qui les aideront ! en voiture profitez des embouteillages pour inventer une épopée, les enfants sont drôles quand ils se lancent dans un récit, car leur logique est différente de la nôtre mais souvent percutante. La plus grande difficulté consiste à s'organiser de façon à dégager du temps pour nos enfants… et puis se parler, débattre, être en désaccord mais argumenter, se regarder, se sourire, rire, toute cette tendresse et cette proximité est le meilleur antidote aux carences affectives dont on sait qu'elles sont des facteurs de risques majeurs de troubles psychologiques.
L'État pose la loi quand les parents sont défaillants. Mais cela doit passer par une restauration du soin qui implique de reconnaître que les lois sur l'hôpital étaient destructrices, de changer d'objectif, bien plus que par la réforme d'un Code pénal qui va opposer la violence à la violence des jeunes qui n'auraient peut-être jamais sombré s'ils avaient été instruits et considérés. La dignité humaine semble avoir disparu de la pensée contemporaine, on le voit quand les diversions sociétales (constitutionnalisation de l'IVG) prennent la place des vrais enjeux de société. Aider les mères à élever leurs enfants même quand elles sont seules, protéger les mères célibataires, oui cela est une bonne idée de politique familiale car on sait combien la fragilité des liens d'attachement est déterminante dans les dérives vers la délinquance ou les troubles psychiatriques. Soutenir les mères, valoriser le personnel de la petite enfance, renforcer les effectifs, payer convenablement ceux qui s'occupent de nos bébés et qui donc s'ils les maltraitent faute de temps parce qu'un adulte ne peut s'occuper de huit bébés correctement or c'est le cas dans les crèches publiques, en font des adultes condamnés, cela m'apparaît indispensable. C'est insupportable de se dire qu'en France, en crèche, des bébés ne sont pas changés, pas bercés, restent sales faute de personnel qualifié en nombre. «L'enfant est le constructeur de l'adulte», disait Maria Montessori.
Nous ferons des économies considérables si nous nous contentons d'offrir aux plus jeunes des conditions d'accueil, d'instruction et de soin congruentes avec leurs stades de développement et leurs besoins. Ce sont des cohortes de futurs adultes qui ne feront pas de dépression, pas de burn out, pas de tentatives de suicide. Nous parlons de budget et n'investissons jamais dans la prévention.
Quand tout se vaut, que tout est interchangeable, comment construire des liens durables, empreints de respect, assez forts pour que l'on soit en désaccord sans être fâchés ?
Marie-Estelle Dupont
Le gouvernement peut s'assurer par exemple via les municipalités que les jeunes ont des activités structurantes, et qu'ils ne traînent pas en bande comme des chatons abandonnés qui vont trouver un sens à leur vie dans des passages à l'acte furtifs et sanglants. Si l'école apprend à lire, compter, construire une réflexion, un argumentaire, alors elle fera son travail pour qu'ils aient suffisamment confiance en eux face au monde des adultes. L'État doit respecter comme un sanctuaire inviolable l'autorité parentale, car passer par-dessus ne résoudra en rien les problèmes de communautarisme. Ce n'est pas en glissant vers une forme de communisme au sens de confiscation par l'État de l'autorité parentale sous couvert d'un programme néo-libéral bien sûr, c'est le grand paradoxe de l'époque, que l'on aidera les jeunes à aller bien. Manager par la peur est aussi une manifestation très négative du pouvoir. Ces gouvernements successifs en échec sur le régalien depuis 40 ans nous parlent de crise qui justifierait la confiscation croissante de nos libertés et de nos biens. Ce n'est pas à l'État de dire aux jeunes ce qui est bien ou mal, dangereux ou acceptable. On voit bien comment la démocratie échoue dans la dérive technocratique qui a toujours in fine une logique impérialiste, avec une seule version de la réalité, incontestable sous peine d'être traité d'extrêmiste ou d'irresponsable. Le débat politique est confisqué par ce tour de passe consistant à dire qu'il existe une vérité révélée et que tout autre point de vue est dangereux. la pensée et le débat sont devenus suspects, alors que la psychopathie qui impose sans débattre est devenue normale.
Je pense aussi que le mal-être des jeunes est intimement lié à la déspiritualisation de la société. Quand tout se vaut, que tout est interchangeable, comment construire des liens durables, empreints de respect, assez forts pour que l'on soit en désaccord sans être fâchés ? La perte de spiritualité est un boulevard pour les extrêmismes religieux, les dérives sectaires, mais aussi pour des postures politiques idéologiques. L'être humain a besoin de croire, il faut faire en sorte qu'il puisse croire en quelque chose qui l'élève plutôt qu'en quelque chose qui justifie qu'il ne réfléchisse plus et ne fasse plus d'effort.
Marie-Estelle Dupont