Marie-Estelle
Dupont

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Pourquoi la rentrée est-elle stressante ? (alors qu’on s’était juré d’être cool l’année dernière)

-Pourquoi la rentrée est-elle source de stress voire d’angoisse ?

Tout simplement parce que changer de rythme et a fortiori pour passer d’un rythme plus cool ou en tout cas plus choisi dans la majorité des cas à un rythme beaucoup plus chronométré et imposé demande une réadaptation. Le stress mobilise nos ressources adaptatives. On est en plein dedans. En vacances, même si on subit parfois la belle famille ou des couacs d’organisation, on a globalement un rythme plus cool, du temps avec ses enfants et son conjoint, des activités et des fréquentations choisies, et une liberté de mouvements mais aussi vestimentaire, et une cassure de rythme qui fait fabriquer des endorphines et de la sérétonine, neuromédiateurs du bien-être. S’adapter oblige le corps à fabriquer une hormone d’adaptation, le cortisol, qui crée des tensions musculaires et des ruminations mentales. Les surrénales s’activent parfois jusqu’à l’épuisement.

Ensuite parce que quitter, perdre, c’est toujours un petit stress pour l’être humain. Le retour de vacances marque la fin d’une période souvent heureuse, où l’on a choisi l’endroit où l’on avait envie d’être, et les personnes avec qui on les passe… pour autant qu’on s’autorise à évoluer et qu’on ne se sent pas obliger d’obéir à la sacrosainte quinzaine chez belle maman après deux semaines chez les parents, ce qui tôt ou tard nuit à la sexualité du couple et à l’enrichissement intérieur puisque les vacances sont alors l’éternelle répétition d’un schéma clanique et régressif. Il y a donc, à la fin des vacances un petit deuil à faire, qui va avec le raccourcissement des journées d’ailleurs. Mais le mot deuil est un peu fort, car en réalité on le fait tous les ans et les vacances reviendront.

Autre source de stress, lorsque justement les vacances n’ont pas été reposantes. On est dans l’anticipation anxieuse de tout ce qui nous attend, de tout ce qu’on a mis entre parenthèses et qu’on va devoir affronter (papiers en retard, travaux, etc), avec en outre le ressenti qu’on a pas rechargé les batteries et qu’on sera déjà épuisé fin septembre.

Beaucoup de nos contemportains ont oublié le temps de l’Etre au profit du faire et de l’avoir or même Dieu se repose le 7 jour ! Reposer le corps et l’esprit, revenir à la notion fondamentale de la vacance, le vide, est essentiel pour être prêt à rentrer et avoir l’énergie de voir les bons côtés de la nouvelle année. Si on est arrivé épuisé et qu’on a enchainé tournois de tennis, sorties tardives, devoirs de vacances et mondanités à rendre aux uns et aux autres en faisant la cuisine pour 10, c’est sûr on va rentrer paniqué à l’idée de ne pas avoir les réserves nécessaires. Le burn out guette tous ceux qui veulent être plus que parfait et dont l’estime d’eux-mêmes défaillante les oblige à en faire toujours plus, tout comme ceux qui ont une boulimie d’activité à l’idée de ne pas avoir pleinement profité.

Mais parfois aussi, on avait prévu de se reposer, et l’été a apporté son cortège d’imprévus douloureux. Un décès, un accident, la décision de divorcer, la prise de conscience douloureuse que notre ado déprime à l’excès, la dégradation de l’état de santé d’un parent qui oblige à être garde malade en attendant de pouvoir organiser l’année différemment pour lui. Pourtant il faut reprendre tous azimuts et les défis à relever ne sont pas moins nombreux. Bref on doit réarmer avant d’avoir eu le temps de respirer et de se régénérer.

A cela s’ajoute le stress peut-être de constater que la vie dans laquelle on rentre nous pèse : conflits professionnels, trajets trop longs, conciliation difficile entre vie de famille et vie pro… C’est aussi une année qui recommence, et peut-être se sent on impuissant à élargir son horizon ou à repartir sur de nouvelles bases. On s’interroge, sur ses choix de vie, sur son couple, sur son activité professionnelle… Et certains s’angoissent en se demandant : que va-t-il m’arriver, que me réserve cette nouvelle année ?

Enfin parce qu’elle représente une grosse charge mentale quand on a une famille. Il va falloir orchestrer crèche, école, transports, boulots, imprévus, synchronisation des activités extras scolaires, permis accompagné du grand, cours de théâtre de la petite, RDV de médecins… Et les grands-parents peuvent très bien être malades, ne pas vivre à côté ou être tellement en forme qu’ils sont par monts et par vaux, ce qui nous oblige à compter sur une organisation logistique coûteuse et jamais certaine ! il faut comprendre qu’en Occident la famille nucléaire vit au quotidien loin de la famille élargie. Dans les sociétés orientales ou africaines, c’est le village qui entoure l’enfant. Les parents sont moins seuls parce que tout le monde s’occupe de tout le monde et le groupe est très étayant. Chez nous le groupe est une norme extérieure qui donne une idée d’un modèle parfait qu’on doit atteindre. C’est plus stressant !

Pourtant ce n’est pas une fatalité d’être stressé. On l’est si on veut tout contrôler et faire cadrer la réalité avec nos desiderata et notre image de la famille idéale. Si on accepte l’imprévu, on lâche prise, on stresse moins ses enfants et son conjoint, et on retrouve du plaisir car au lieu d’être agrippé à l’image qu’on a de la rentrée réussie, on est disponible à ce qui se passe vraiment, et on est en mesure de s’émerveiller ou de rire d’un imprévu. Si vous faites de la logistique un impératif catégorique « il faut partir à telle heure, il faut passer voir tante machine, il faut ranger le coffre par ordre alphabétique de valises », vous êtes certains d’avoir une rentrée horrible et de créer plein de mauvais souvenirs à vos enfants.

D’ailleurs nos enfants ne sont pas stressés au sens où nous l’entendons. pour nous c’est comment arriver à tout faire. donc si nous ne leur communiquons pas de stress ils ne seront pas stressés parce qu ils sont encore dans un âge de relative irresponsabilité. Ca ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’émotion et de représentation ou de croyance autour de la rentrée. Ils ont le cafard du dimanche soir puissance dix pour certains. C’est le grand blues dès le 20 août. Ils comptent les derniers jours de vacances et rentrent à reculons. Il va falloir sortir du cocon magique … C’est bon signe, ça veut dire qu’ils sont relativement bien dans leur foyer !

Chez d’autres encore c’est de quitter les nouvelles rencontres qui suscite un moment de regret. Les fameuses promesses sur le quai de la gare, indispensables bien que rarement tenues. Un jour, l’une d’entre elle sera tenue et une amitié ou un amour de jeunesse nous aura nourri… Vive les vacances alors.

Chez d’autres c’est l’excitation de revoir les copains ou de reprendre leur activité favorite qui domine ou en tout cas tempère la tristesse que les vacances soient finies.

Rentrer c’est bien en effet rentrer dans un cadre. A moins d’avoir des parents extrêmement sévères et coercitifs, on a une plus grande liberté d’action en vacances et le corps se développe grâce aux activités physiques et à la luminosité plus importante. Ils sont arrivés avec leur teint de petit parisien à mi-chemin entre le blanc et le vert et ils repartent dorés comme des abricots pour un emploi du temps chronométré. La routine du matin doit aller vite, les devoirs, les activités extra scolaires… que nos enfants soient tristes ou pas de rentrer, ce à quoi on doit veiller c est à ne pas leur faire porter notre besoin de compétitivité en les inscrivant à une activité extra scolaire par jour.

Quand je vois des gosses de six ans qui ont cours de russe le lundi, de saxo le mardi, de foot, d’anglais le jeudi et scout le week-end ça me rend malade. C’est criminel !! Si l’oisivete est mère de tous les vices il faut savoir raison garder et ne pas oublier que l hyperactivite est mère de la bêtise ! L’agitation n’est pas la maîtrise de soi et l’intelligence ! Nous zappons l’être au profit du faire et nos enfants deviennent des robots obsédés par le faire et dénués d’empathie qui ne profitent même plus de ce qu’ils ont ! Soit ils seront dépressifs soit ils seront agressifs et odieux. Donc on lève le pied. L’ambiance des vacances est transférable au quotidien si on sait préserver des temps de rien.

On est stressé parce qu’il y a une notion de performance. Le stress est lié  un danger et dans notre monde moderne le danger est de ne pas être performant. La sophistication de la société crée des enjeux partout. L’enfant est dans le jeu, et s’il existe un plaisir sain de la compétition il y a une forme de violence dans la compétitivité et la recherche d’efficacité.

-Comment l’aborder ou l’affronter Alors qu’on se sent déjà débordé(e) ?

En s organisant et en délégant. On est débordé si on ne fractionne pas les périodes et qu’on ne hiérarchise pas les priorités. Il faut visualiser un sprint dans la rentrée avec une accélération et une décélération. Si on a commandé les fournitures sur internet avant de partir et les livres que l’on a plus qu’à attraper en passant devant la librairie, qu’on a téléchargé avant de rentrer les formulaires d’inscription, qu’avant de partir les placards ont été triés et nettoyés et les paniers de linge sale vidés, on va déjà se sentir moins submergé en arrivant.

Le stress peut surgir dans n importe quelle situation si on se noie dans un verre d eau. La rentrée se passe bien quand on la prévoit en juin. avant de partir les placards sont rangés, les fournitures achetées, les intervenants sont calés, (ménage, nounou, répétiteur éventuellement, si vous et votre conjoint travaillez trop et préférez voir vos enfants sans faire faire tous les devoirs. Dans ce cas un retraité ou un étudiant peut venir faire travailler tout le monde deux heures le samedi matin pendant que votre mari et vous filez faire un footing en amoureux ) les cartables ont été vidés et passés en machine,  et en rentrant on prévoit des temps pour chaque chose la première semaine : chaque enfant est responsable d’essayer tous ses vêtements et de faire deux tas un trop petit un à sa taille (on supervise, sinon tout ce qu ils trouvent moche se retrouve étrangement dans la pile à donner) ; on organise un atelier collage d’étiquettes pendant qu’on vérifie les carnets de santé…

Si on a un grand ou un ado on le rémunère pour qu il nettoie la voiture pendant que les petits taillent tous leurs crayons, lisent un livre ou trient eux mêmes leur chaussettes :un tas pour les trop petites (le temps qu’ils les essaient toutes vous avez préparé une blanquette et deux ratatouilles), un tas pour les bonnes et un tas pour les orphelines (le mystère des chaussettes esseulées, c’est fou ce truc) avec autorisation de détourner une paire de chaussettes trop petite par enfant pour en faire un sac de couchage pour les figurines starwars : ils seront affairés pendant une heure. Ça fait de la rentrée un évènement familial et les petits adorent ce côté festif. Ça les rassure de le transformer en rituel dans lequel ils sont impliqués, ça rend la rentrée à l’école moins inconnue. Vous, c’est l’imperfection qui vous angoisse dans la vie, eux, c’est l’inconnu. Acceptez l’imperfection et lissez l’inconnu avec des rituels. Votre petite dernière essaie son uniforme en faisant la belle, le grand affiche le tableau des tâches domestiques de chacun dans la cuisine. Vous vous sentez moins stressée car quand on est maman on se sent souvent tout le temps coupable : soit on est fourneaux donc on culpabilise de les laisser, soit on est avec et on culpabilise que le repassage attende. Déléguez au maximum et montrez à vos enfants tous les côtés sympas de retrouver son chez soi, ses habitudes, de revoir les copains et surtout d’avoir de belles perspectives : on va apprendre plein de choses, on va avoir le droit de rentrer seul du collège, on pourra à nouveau aller dormir chez sa meilleure copine, on va reprendre le judo, etc. Et pour que votre couple survive, regardez ce qui peut financièrement être allégé pour être réinjecté dans plus d’aide ménagère. Chacun ses priorités, mais ne pas faire le ménage et le repassage c’est du temps pour ses enfants et son mari ! Donc on paie quelqu’un pour le faire, parce qu on pense mieux dans un environnement propre et sain, mais on autorise le bazar dans les chambres parce qu un enfant ne s’épanouit pas si la maison doit ressembler à l institut pasteur. )

se dire que cette inquiétude est normale

– Comment gérer le stress au boulot et à  l’école ?

le stress peut provenir d un manque d organisation

d’un manque de temps

d un excès de perfectionnisme (chèque enfant qui arrive dans une famille redevable les’ priorites et si on révise pas les priorités on explose en vol) et surtout le stress est en général cumulatif. On stresse de ne pas avoir le temps de tout faire, résultat on s’entend dire « dépêche toi » à l’enfant qui s’arrête huit fois entre la maison et la poste pour essayer d’attraper un papillon. Et il ne se dépêchera pas tant que vous ne lui aurez pas expliqué pourquoi le papillon vole, pourquoi il est tout petit, pourquoi le ciel est bleu et pourquoi la dame le regarde.

Donc organiser, déléguer et poser dans l’agenda comme qq chose de fixe le temps pour soi toutes les semaines, un soir par semaine pour le couple uniquement, un moment par semaine seul avec chaque enfant. Et un weekend par trimestre en amoureux sans les enfants. Ils seront ravis ! Et même si vous ave des beaux parents revêches et des parents inexistants, il y a forcément des copains ravis d’échanger ce genre de liberté, ou un étudiant de confiance que vous dédommagerez pour qu’il s’installe deux jours chez vous pendant que vous séquestrez votre mari dans un petit gite sympa près des chateaux de la loire.

S’asseoir autour d’une table avec le papa si vous êtes en couple et caler l’organisation avec des plans B quand il y a un couac (grève, nounou absente …) et imposer son temps à soi hebdomadaire en choisissant ce dont on a le plus besoin (pas forcément le plus envie d ailleurs). Bien sûr que non vous n,’êtes pas égoïste quand vous prenez le temps de faire du sport. Vous diminuez votre stress donc vous rendez tout le monde plus heureux et votre sexualité est plus épanouie, sans compter que vous donnez l’exemple. De toute façon il faut bien qu’ils s’autonomisent. Si vous êtes parents solo, notez tous les amis ou relations proches de chez vous avec qui vous pouvez instaurer des échanges (j’emmène ton fils en voiture le matin, je te laisse le mien à déjeuner le samedi pour aller au tennis)

Attentes irréalistes vis-à-vis de nous-même qui nous rend trop exigeante avec nos proches parce qu’on a tjrs dans la tête à 40 ans la voix de notre mère qui nous dit que tout doit être propre et bien rangé en permanence ?

Déséquilibre conjugal et insatisfaction (par exemple liée au fait que vous vous occupez des enfants et que du coup votre conjoint dit que vous ne travaillez pas ?)

Incapacité à dire non et du coup, risque de subir une pression professionnelle énorme qui va vous rendre indisponible pour les petits et du coup, très malheureuse et très irritable parce que très culpabilisée ?

Apprenez à dire non et à revoir régulièrement vos priorités. Les priorités changent et rechangent plusieurs fois dans la vie. Et on cultive la gratitude plutôt que le perfectionnisme. On apprend à se remercier les uns et les autres et à se regarder dans les yeux quand on se parle plutôt qu’avoir le nez sur le guidon et surtout sur le téléphone. Si on est conscient d’avance qu’en faisant de notre mieux de toute façon il y a aura de l’imprévu et de l’imperfection, la famille s’en porte mieux et vous ne vous énervez plus. Du coup les enfants sont calmes. Du coup vous êtes détendus.

-le début de l’année scolaire  peut-il être l’occasion de choisir des activités pour nous rendre plus en harmonie avec nous-même et les autres?

L’emploi du temps change toujours un peu à chaque entrée. Changement d emploi, déménagement ou naissance d’un bébé, entrée au lycée de l’un, la rentrée de septembre est un bon moment pour introduire du neuf et jeter ce qui ne marche pas ou plus.

D’autant que septembre est le mois où le cerveau est le plus performant et créatif. il a emmagasiné beaucoup de lumière depuis le mois de mars et nous sommes stimulés. sauf burn out, ou trouble bipolaire ayant connu un virage pendant l’été, même les malades chroniques ressentent en septembre plus de vitalité.

Donc on peut démarrer de nouvelles choses, mais aussi se demander comment se simplifier la vie. Marre de répéter qu’ils aillent se laver les mains en rentrant ? on installe un flacon format familial dans l’entrée à hauteur des pitchounes. Marre de répéter ? on affiche les règles sur le frigo à hauteur de ceinture pour que le petit dernier arrive à les lire. On les fait participer à tout ça parce que si c’est leur maison ça devient un jeu de respecter les règles. Et du coup on répète moins et on s’énerve  moins.  Et quand votre enfant oublie, vous lui demandez s il n’a pas oublié un truc. Pas la peine de crier il mémorise moins dans le stress. On se rappelle que les mots sont des actes et que si on parle mal à un enfant il deviendra ce qu on projette. Et on oublie pas que nous aussi on a été des enfants. Et qu’on voudrait que nos enfants garde une belle image de nous et de leur passé. Alors on expire et on lâche le stress : après tout, si on est débordés c’est qu’on a une jolie famille à aimer non ?

Marie-Estelle Dupont

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