Marie-Estelle
Dupont

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Pour ou contre les devoirs de vacances ?

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Le dernier conseil de classe n’a pas encore eu lieu que déjà fleurissent les cahiers de vacances : maths, français, anglais, … comme une réponse un peu compulsive à l’angoisse de « perdre » quelque chose, du temps, du contenu, un besoin de se rassurer sur le fait que notre progéniture ne sera pas larguée dans la course à la performance… mais aussi, peut-être, comme un moyen de se donner bonne conscience et de réduire l’apprentissage à un élève derrière un pupitre.

La mémoire est certes, une composante centrale à la fois de l’intelligence et de la réussite scolaire (et j’insiste sur la différence entre intelligence et réussite scolaire). Et la persévérance est la clé de la réussite. Oui. Mais ne confondons pas laisser aller et lâcher prise.

Alors, les cahiers, pour ou contre ?

La nuit c’est fait pour dormir. Les vacances c’est fait pour casser le rythme de l’année, se ressourcer, se régénérer, emmagasiner de la lumière et de l’énergie.

Les vacances sont un moment spécifique de l’année : comme la nuit est indispensable à des journées efficaces, il faut du rien. Le pain n’est bon que si la pâte a eu le temps de lever. Bref, les coupures sont essentielles à l’efficacité, tous les élèves de prépa, tous les sportifs de haut niveau le savent. L’être humain fonctionne avec des rythmes : veille/sommeil, activité/repos, ingestion/digestion, …

Le premier devoir de vacances qui me semble incontournable pour toute la famille, consiste donc à introduire des temps de « rien », du « vide », du lâcher prise, sur de courtes durées (les fameux temps calmes de la sieste), plutôt que de dresser nos enfants à un activisme frénétique qui nous rassure mais les empêche de penser et de se structurer. L’oisiveté, mère de tous les vices, être utile, efficace, … finalement les traditionnalistes religieux comme les hyper connectés fébriles se rejoignent : le temps de l’être n’existe plus. Et j’aimerais rappeler que pour aller vite et être performant, le secret des sportifs est de lâcher prise et de ralentir avant la compétition.

Le deuxième devoir de vacances, incontournable à mon sens pour nos petits et grands, demeure le duo lecture et sport.

La lecture n’est pas seulement un moyen de détacher votre enfant des écrans, ce qui serait à lui seul un argument suffisant, quand on connaît les méfaits des écrans autant sur la personnalité que sur la sphère cognitive et les rythmes cérébraux. Vieillissement accéléré, hormones de stress augmentées, réduction du sommeil, désocialisation, manque d’oxygénation du corps, tensions cérébrales et musculaires, addictions, diminution du langage et de l’imaginaire, les écrans sont des outils à manier avec précaution, et comme l’alcool, modération. Formidables pour souhaiter un bon anniversaire à une mamie éloignée, diaboliques quand le papa divorcé y voit la solution de garde qui lui permet de contourner sa propre dépression.

La lecture va indirectement faire travailler d’un coup en quelques minutes plusieurs matières et aspects cognitifs à votre enfant : orthographe, vocabulaire, grammaire, culture générale, mémoire, attention, concentration, imaginaire : autrement dit à la fois le contenu scolaire et le fonctionnement cognitif. Sans compter que le jour où il aura une interro surprise d’histoire en revenant d’une grippe, pris de court et n’ayant pas révisé, avoir lu un roman de Hugo pendant l’été lui permettra de grapiller quelques points en se rattrapant aux branches.

La lecture est un concentré d’apprentissages qui deviennent un simple effet secondaire d’un moment de calme.

Car la lecture protège massivement de la dépression et de la violence, les études le montrent, comme l’écriture. C’est un puissant régulateur émotionnel, qui permet à l’enfant de créer des images mentales qui lui serviront de support pour canaliser son impulsivité. Elle apaise les ondes cérébrales que les réseaux sociaux et les écrans désynchronisent et excitent.

Lire (et pas seulement des BD ou des magazines, mais de vrais récits, de voyages par exemple ou des romans) procure des supports pour s’identifier et se construire à travers les personnages, combien plus mystérieux et souples ( chaque lecteur imaginera des caractéristiques différentes aux héros), que les séries télé ultra standardisées.

Nous parents, ne pouvons et devons pas être les seuls modèles de nos enfants. Mais nous sommes responsables des modèles vers lesquels nous les poussons. Entre télénovela et mythologie gréco romaine, un panel de possibilités s’offre à nous. Alors ? Vide intersidéral ou contenu permettant de voir d’autres élaborer les grandes angoisses de l’existence comme le font les contes de fées et les histoires de chevaliers ? Calée dans le hamac avec votre bambin qui lit une fable de la Fontaine illustrée laissez-vous bercer par votre romancier préféré. Vous retrouverez une sensation de paix que l’on cherche aujourd’hui dans les cours de yoga ou de méditation tant les écrans nous grignotent l’esprit. Et le câlin associé à la lecture procurera à votre enfant le goût de lire, puisque son besoin d’attachement aura été comblé. Même un enfant ingrat et difficile en classe, surtout un enfant rebelle à l’autorité demande un supplément de tendresse pour renouer le dialogue qui s’est perdu en chemin dans un quotidien trop bousculé. Leurs difficultés sont peut-être un peu parfois le reflet de nos inattentions. Il ne faut pas sensentir coupable mais au contraire se dire qu’on a sûrement des clés plus subtiles que des solutions toutes faites, parce que ce sont NOS enfants. Donc leurs réactions sont aussi des messages à nous parents destinés. Ces temps ensemble les aident à la solitude de l’apprentissage aussi étrange que cela puisse paraître. L’autonomie s’apprend comme le reste, par étapes.

Vous préparerez ainsi mieux sa réussite qu’en imposant la coercition des devoirs de vacances à un enfant en bonne santé qui a juste besoin que son parent l’ouvre au monde et saisisse chaque occasion d’apprendre sans en avoir l’air avec émerveillement. Alors oui à Wikipédia quand vous ne savez plus les dates du paléolithique ou le nom du dinosaure qui a une toute petite tête, mais si la lecture devient une activité quotidienne en vacances, votre enfant travaillera tout d’un coup sans s’en apercevoir.

Et autre composante du duo magique : le sport. Pour faire des muscles, il faut du sport et de la récupération. Pour mémoriser, du travail et du sommeil, mais aussi une bonne oxygénation du cerveau, donc du sport. Indispensable pour bien mémoriser, le sport favorise la détente et l’oxygénation du cerveau. Les meilleures prépas de France ont des infrastructures magnifiques pour cela, la preuve ! Le sport fait travailler la discipline, la conscience de soi, la force mentale, la capacité à gérer l’effort, à accepter ses limites tout en les repoussant, l’humilité, le respect des règles. Or la réussite ne se résume pas au savoir.

Un enfant réussira sa vie si ses parents on lui enseigne :

Du savoir et comment apprendre (méthode, méta cognition ) mais également le savoir être (être seul et être ensemble, et être à l’aise dans les deux situations), le savoir-faire (techniques, style) et le savoir vivre (mettre les formes, s’adapter à l’environnement présent). L’élégance comportementale, la bienveillance, apprendre à écouter… tout cela vous semble du sentimentalisme gentillet et inutile ? Et bien regardez Poutine : il réussit à s’imposer parce qu’il écoute et mime l’interlocuteur. L’efficacité c’est d’abord apprendre à percevoir, regarder, écouter. Les troubles de l’attention de nos enfants ne réclament pas de médicament, mais des parents qui maîtrisent la course effrénée de l’emploi du temps en observant, en s’accroupissant à hauteur de l’enfant, en acceptant de perdre du temps pour en gagner énormément. Oui faire tous les jours du sport et lire c’est perdre au finale en apparence trois heures. Mais c’est la base d’un destin qui vous appartient, d’une santé équilibrée, et d’un esprit alerte.

Les cahiers de vacances pourquoi pas mais d’abord introduire du vide, du sport et de la lecture. Ensuite de deux choses l’une : si votre enfant a eu de bonnes notes, ne le dégoutez pas en lui infligeant une étude quotidienne barbante alors qu’il a des compétences sociales à acquérir : participer au bricolage de la maison, s’occuper d’une personne âgée, organiser une régate… s’il a eu de mauvaises notes, ne transformez pas votre relation à lui en tensions et conflits qui vont virer à l’obsession, au blocage et à la phobie scolaire voire au mutisme.

Donc commencez par regarder son profil avec les trois bulletins :

S’il est bon partout avec une matière plus fragile, par exemple le calcul mental, oui le cahier est un outil pratique, parfaitement adapté, 60 pages, 15  minutes par jour et on sait qu’il passera sans lacunes dans l’année suivante.

S’il a un profil où ses résultats sont plutôt liés à des difficultés de concentration, motivation, attention, demandez vous dans quelles conditions psychologiques et matérielles il travaillait. Le temps de travail à la maison peut être un temps où le téléphone est à charger dans une autre pièce. Les groupes de travail whatsapp n’aident pas à s’autonomiser et n’apportent pas non plus le bénéfice d’une vraie révision de groupe à organiser à tour de rôle chez l’un ou l’autre avec un adulte à proximité pour le goûter et les questions. Dans ce profil là, il est préférable de l’inciter à lire et écrire. Les vacances d’été durent deux mois donc nos enfants vont changer de lieu : un peu de centre aéré ou de colo, un peu chez les grands parents ou des copains, un peu en voyage peut –être avec nous. Ecrire un cahier permet, 15 minutes par jour, de travailler l’écriture, la rédaction, l’histoire si vous visitez un pays, la culture générale, et de se faire des souvenirs sympas qu’ils montreront à leurs enfants. Autrement sympas que les selfies devant le taj mahal où au lieu de s’émerveiller, on tape le code wifi pour poster ses photos sur insta !

Les vacances peuvent être le moment de faire le bilan en discutant avec votre enfant de ses points faibles et forts en classe et de discuter avec lui, à un moment privilégié, de façon détendue, de ce qui le perturbe (un  meilleur copain qui a quitté l’école, un suicide au collège, un trouble du sommeil, un chagrin d’amour, votre divorce…) le programme scolaire vient se plaquer sur une réalité très mobile et invisible qui est le cerveau en pleine croissance d’un enfant. L’aider à apprendre et réussir, ce n’est pas se donner bonne conscience avec un cahier. L’outil n’est rien si on s’en sert mal.

Oui il a sa place. Mais d’abord, instaurer l’anglais à table au déjeuner, confier la monnaie de l’épicerie au petit dernier pour qu’il apprenne à compter et lancer un débat philosophique au dîner sera bien plus efficace et ludique. Et ensuite, demandons- nous si nous agissons en réponse à un besoin objectif de l’enfant ou pour calmer notre angoisse parce que nous projetons sur eux notre complexe ou notre anxiété liée à la performance. Et vous serez fier et joyeux de voir que ous êtes très inventifs pour lui transmettre des choses. On n’oublie jamais une leçon d’histoire racontée par papa pendant une balade en forêt, ce papa qu’on n’a pas vu de l’année. Dans le manuel d’histoire, c’est une autre paire de manches. Alors glissez de l’affect dans la connaissance, c’est comme la lumière sur un arbre : ça fait grandir.

Une fois que vous aurez défini le profil de votre enfant vous saurez ce qui est juste pour lui.

La priorité est que tous les élèves et si possible leurs parents devraient faire chaque jour activité physique et une heure de lecture. Si il y a besoin d’un peu plus oui, pourquoi pas. Une année ce sera 10 mots d’anglais par jour et des films en V.O pour rattraper l’absence du prof, une autre le cahier de maths parce que les tables de multiplication ont été compliquées pour votre petit garçon en CE2. Mais pas d’obsession ! Faites les participer à la vraie vie, les responsabilités font grandir, et travaillez sur vos projections. Si vous ne vous libérez pas de votre envie qu’il fasse Polytechnique pour compenser votre complexe lié au fait que vous n’avez pas fait d’étude, votre enfant va ramer pour trouver sa place. S’il veut faire Polytechnique dans un but précis alors là oui, levez-vous et préparez lui ses vitamines ! Le futur de nos enfants ne nous appartient pas. Notre définition de leur bonheur doit être souple car ils ont à s’adapter à une réalité différente de celle pour laquelle les codes de nos parents fonctionnaient peut-être encore pas trop mal. Soyons enracinés dans nos principes mais très ouverts dans les formes d’application car nos enfants ne sont pas nous. Nous avons seulement le devoir urgent et impératif de les outiller pour réussir au mieux d’eux-mêmes, à la place où ils donneront le meilleur d’eux-mêmes.

Marie-Estelle Dupont

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